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L’ETIQUETTE AU DOJO

Notre vie est régie par des règles, des codes, des lois etc. Et quand on vient au dojo, c’est pour passer un bon moment avec les copains, les copines, après l’école ou le travail.

Cette étiquette peut être perçue différemment entre le  Japon et l’occident, car nous n’avons pas la même culture. Et elle peut aussi différer en  Europe, car nous avons une culture et une mentalité différentes  entre pays.

Donc chacun va interpréter l’étiquette comme bon lui semble. Et à mon avis le danger est là. Qu’est-ce qui est juste, qu’est-ce qui est faux ? Et je ne suis pas là pour juger ce que font les autres, car bien souvent ils n’ont pas reçu ces règles au cours de  leur apprentissage ou alors qu’une partie. Mais à mon avis, on devrait avoir un fil conducteur minimum.

D’un Budo à l’autre ces règles varient, et si l’on pratique différentes disciplines on devra s’adapter à ces changements. Pourtant l’origine de ces règles on les mêmes racines au départ.

Un peu d’histoire

Le Japon et les samouraïs. Tout a été codifié à une époque où l’armée régnait en maître et influençait tout le mode de vie d’un peuple. Ses codes ont évolué  au  fil des siècles et ont obligatoirement influencé  les premières écoles car elles étaient la propriété des seigneurs de l’époque. Puis par  la suite, ce sont d’anciens samouraïs qui ont développé leur propre école de jujutsu, kenjutsu etc.

Toutes  ces écoles ont influencé les budo modernes que sont l’Aikido, le Judo, les divers styles de Jujutsu et karate etc.

En Judo, le fondateur Maître Jigoro Kano, a été un pionnier de par sa méthode, mais aussi par les grades. Il a en effet révolutionné les principes de l’époque en introduisant des ceintures de couleur (blanche, noir, rouge et blanche, rouge, et blanche large) et le système dan à la place des menkyo (diplôme de niveau décerné par le maître). (Les couleurs kyu, jaune, orange etc. ont été inventées beaucoup plus tard en Angleterre. C’est Maître Kawashi qui a diffusé le système en France, puis il s’est étendu au reste de l’Europe et dans le monde.) C’est aussi à Maître Kano que l’on doit les judogi d’aujourd’hui. Au début il travaillait avec des vestes de kimono qui ne résistaient pas à l’entrainement. Il a réfléchi et développé le judogi : en premier lieu en trouvant le tissu le plus adapté puis par des renforts adéquats aux  endroits où ça se déchirait. Il était de couleur écru ou blanc. (La couleur blanche, symbole de pureté, de raffinement, et jadis de noblesse pour les japonais). Maître Kano utilisait aussi les vêtements traditionnels (kimono et hakama)  pour les cérémonies et démonstrations lors des grands événements. Aujourd’hui nos judogi sont blancs ou bleus, (à savoir que le bleu a été introduit par les européens pour les championnats d’Europe pour différencier les combattants, et repris dans presque toutes les compétitions international aujourd’hui.

Le dojo

Le dojo traditionnel était orienté selon les points cardinaux et une symbolique précise. Le mur situé à l’Est s’appelle le kamisa, « lieu où siègent les kami (divinités shintô)». C’est le mur d’honneur au centre duquel peut être disposé le tokonoma, le petit autel à la mémoire des ancêtres. Dans notre dojo cela correspond à l’emplacement du portrait de Maître Jigoro Kano. Mais on peut y ajouter le fondateur ou Maître du dojo si on le désire. À l’ouest le shimosa accueille les élèves qui se disposeront selon un ordre hiérarchique : les sempai proches du mur sud ou joseki, et les kohai du côté du mur nord, ou shimoseki. Les quatres murs déterminent les espaces de placement, des places justes pour chacun à un moment déterminé, symbolisées à un autre niveau par les cinq éléments. Le débutant entrera, matière brute (terre), au shimosa du côté du shimozeki, s’assouplira en devenant de plus en plus fluide (eau) pendant sa progression le long du même shimoza, pour parvenir, force vive (feu), au jozeki. Il pourra alors insuffler (vent) l’enseignement face au kamisa et aspirer à sa réalisation (vide). Cette symbolique a l’avantage d’illustrer également la manière dont va s’effectuer la transmission de la  connaissance. Le professeur va diriger son action vers les plus anciens de ses élèves, qui, à leur tour, vont aider à la progression des débutants. Selon la même logique, le jozeki accueille les hôtes de marque, pratiquants d’arts martiaux, et les uke. Le shimozeki reçoit les visiteurs non-pratiquants et les candidats à un examen de passage de grade.

On peut comprendre pourquoi le dojo n’est pas qu’un lieu sportif, mais avant tout un lieu sacré ou l’on vient pratiquer un art martial, ou l’on vient suivre la voie « DO » et le code moral du judo.

En arrivant au dojo le (la) judoka(te) passe par le vestiaire où, après d’éventuelles ablutions si les règles élémentaires de l’hygiène le réclament, il se dépouille de ses vêtements séculiers pour revêtir la tenue traditionnelle du pratiquant, le dogi, pour nous le judogi, (je tiens aussi à rappeler aux ceintures noirs, qu’il est impoli de ce changer dans le dojo, ce n’est pas un vestiaire…). Et on profite de saluer ses camarades. Puis chaussé de zori ou de sandales réservées à cet usage, il se dirige vers l’entrée de la salle, du dojo proprement dit où va avoir lieu le cours. Au seuil du dojo, notre judoka incline le buste conformément à la posture de salut ritsu-rei. En arrivant devant le tatami, il fait glisser ses pieds hors de ses sandales et il refait le salut ritsu-rei, en prenant pied sur le tatami (en y montant). Et s’il y a dans le lieu un portrait au kamisa, on le salue également. Ensuite il va s’installer à la place qui lui semble convenir à sa position hiérarchique en position shizentai (debout), il attend le signal seiza et s’agenouille. Selon le lieu il devra saluer en za rei  jusqu’à trois fois au signal : shomen ni rei (salut au kamisa) – sensei ni rei (salut au maître) – otagai ni rei (salut aux élèves). Au signal kiritsu (ordre donné pour se relever) tout le monde se relève et le cours peut commencer.

Tout au long de l’entrainement nous allons nous saluer de nombreuses fois en position debout ritsu-rei et à genoux, en za rei  lorsque l’on va travailler au sol. (Mokuso  est une forme de méditation que l’on peut faire au début et à la fin du cours. Après une journée d’école ou de travail, cela sert à vider son esprit. On va se concentrer sur sa respiration, en inspirant et expirant on fait descendre l’air jusqu’au hara. Cela apporte la paix intérieure et on peut alors commencer le cours avec sérénité et bonne humeur).

La main gauche reposant dans la main droite, à la hauteur du nombril.

RITSU-REI

Les règles importantes de politesse que l’on doit respecter sur le tatami hormis les saluts, sont les liens d’amitié avec le professeur ou Maître. Sur le tatami ce n’est pas un copain mais le Maître et on doit lui parler et le respecter comme tel ! Si l’on a un différend avec un camarade ou l’enseignant, on le règle après le cours en dehors du tatami, et jamais sur le tatami, c’est impoli.

On doit avoir une tenue correcte. Son judogi est toujours propre et sa ceinture bien nouée. On  ne crie, ne siffle et ne chante pas, on ne dit pas de gros mots et on ne bavarde pas inutilement. On reste concentré sur son travail. La valeur d’un(e) judoka(te) se voit dans son travail sur le tatami.

Tous ces rituels font partie du long apprentissage du judoka, et si l’on ne les apprend pas, que restera-t-il du judo ? Même si vous n’avez pas envie d’utiliser à la lettre toute l’étiquette du judo vous devez la connaître. L’étude du judo ne s’arrête jamais à chaque kyu, ou dan ; c’est un nouveau départ vers l’étape suivante et ainsi de suite. Chaque jour est un nouveau jour, et chaque jour il faut se remettre en question car la perfection n’existe pas. Seul le travail compte si l’on veut progresser dans la vie et cela est valable pour toutes les choses que l’on entreprend ! Et comme le disait un grand chanteur «  nous avons toute la mort pour nous reposer »…

Alors vivons notre passion  dans l’amour, la joie, la bonne humeur et la camaraderie, dans l’échange et les richesses de ce monde que sont le partage des connaissances.

Les élèves ont besoin du Maître, et le Maître des élèves. Nous avons tous besoin les uns  des autres pour avancer. Alors retrouvons-nous sur le tatami pour partager un entraînement…

Au plaisir !

Maurizio D’Amone